Un événement par jour et par personne : telle était la prescription administrée aux membres de Capco durant la semaine de l’innovation publique (SIP). Un traitement intensif suivi à la lettre qui nous permet de vous adresser ce thread en version longue et différée.
les citoyens au coeur de l’action publique
Retour d’expérience Grand Débat et “big data”
Positionnée fin novembre, la SIP fait parfois figure de rétrospective de l’année écoulée. 2019 aura démarré avec le Grand débat national qui n’en finit pas de faire des petits au sein des institutions publiques ni de faire couler beaucoup d’encre parmi les commentateurs et observateurs.
L’occasion pour nous de faire un petit point d’étape sur l’évolution des consultations en ligne ces dernières années et de dresser ce constat : récolter des centaines de milliers de contributions est techniquement difficile mais les plateformes civictech les plus robustes savent le faire désormais. Toutefois :
beaucoup de consultations en ligne peinent à atteindre des volumes de contributions et participants importants, il ne suffit pas d’être “sur internet” pour faire participer massivement,
on ne sait pas encore analyser avec une réelle finesse ces grands volumes de contributions et garantir ainsi à tous les participants le respect de leur parole,
le problème premier reste d’intégrer dans le processus décisionnel ces contributions, qu’elles soient d’ailleurs massives ou non, mais qui font d’autant plus peur qu’elles apparaissent comme massives.
C’est le double défi des prochaines années. Le premier (l’analyse) se traite techniquement et l’IA offre des perspectives intéressantes mais pas immédiates. Le second (la gouvernance ouverte) se traite politiquement, juridiquement, sociologiquement, culturellement : cela ne peut s’envisager que sur du temps long, or nous ne sommes pas certains de disposer de ce temps au vu de l’actualité nationale et internationale.
C’est top !
Entendre d’autres que nous se référer au cycle d’élaboration des politiques publiques pour parler des consultations
Pour l’année prochaine ?
Toujours aussi peu d’intérêt pour les questions techniques : on fait l’impasse sur le fait qu’une consultation citoyenne à 600 000 inscrits et 1,9 millions de réponses, avec des vrais comptes de vrais gens, ça n’a pas grand chose à voir avec une consultation à 5 000, 20 000 ou 50 000 inscrits…
Inauguration du Centre de la Participation Citoyenne
La DITP se dote d’un lieu dédié à la participation. Cap Collectif était présents à la soirée d’inauguration. Au-delà du lieu, la DITP réaffirme sa volonté de se positionner plus fortement sur ce sujet et d’accompagner les acteurs publics (nationaux et locaux) qui souhaitent lancer des démarches participatives.
C’est top !
la volonté de la DITP de capitaliser sur les expériences passées et former le plus largement possible les agents publics à la participation,
le droit de suite mis au coeur des débats.
Pour l’année prochaine ?
Un portage politique ? La référence à l’acte II du quinquennat est dans toutes les têtes mais semble encore une incantation davantage qu’une méthode.
Grand Débat National et les juridictions financières
La Cour des Comptes a présenté son étude des données concernant directement les juridictions financières issues des fichiers opendata du Grand Débat National. Cette étude a été réalisée suite à une demande du Premier Président de la CdC en personne qui souhaitait savoir ce que disent les citoyens à propos des juridictions financières.
La quantité et l’hétérogénéité des contributions a encouragé la Cour des Comptes à développer un outil technique facilitateur afin, dans un premier temps, d’identifier les contributions directement liées aux juridictions financières, et, dans un second temps, de pouvoir analyser 13 000 contributions identifiées. Une forte implication de tous les services techniques internes a permis la création d’un outil dédié à l’analyse sémantique des contributions en seulement 15 jours.
Une fois développé et fonctionnel, cet outil a été soumis à l’utilisation de 130 collaborateurs de la Cour des Comptes volontaires lors d’une journée de lecture collective des contributions le 17 avril 2019. Lors de cette journée, presque 7000 contributions ont pu être traitées par les participants grâce à cet outil.
Cette analyse collective a permis à la Cour des Comptes de tirer de grands enseignements sur son fonctionnement général, ses méthodes et ses lacunes. Selon la Rapporteure Générale, ces enseignements, résumés dans une synthèse finale interne, sont mis en oeuvre dès aujourd’hui dans la manière dont la Cour des Comptes rédige ses rapports et ses recommandations, mais également dans sa stratégie de communication générale.
C’est top !
La preuve que l’opendata produit des usages variés et non réduits à quelques geeks ou entreprises spécialisées. Un exemple à suivre, mais aussi à stimuler. Chaque collectivité territoriale peut ainsi récupérer les jeux de données et faire son analyse simplement des réponses de “son territoire”. Ou sans avoir à le faire soi-même, utiliser les outils proposés par certains particuliers ;
La mobilisation interne au sein de la Cour des Comptes avec 130 agents impliqués dans la lecture et l’analyse des contributions qui les concernent.
Pour la prochaine fois ?
Aller jusqu’au bout de la démarche basée sur la transparence des données en… publiant ladite synthèse réalisée par la Cour des Comptes !
Des citoyens pour quoi faire ? Atelier de co-développement sur la culture de la participation
« Comment acculturer le Conseil National de l’Alimentation à la participation citoyenne ? ». C’est sur cette question que Chloé Abeel, chargée de mission participation citoyenne au sein de l’organisme interministériel, a ouvert l’atelier co-développement organisé par le CNA, et dont elle assurait l’animation.
En effet, le secrétariat interministériel souhaite développer des dispositifs d’accompagnement au changement permettant de développer la culture de la participation au sein du collectif des membres du CNA et se demande comment la participation citoyenne peut-elle contribuer à renforcer le CNA ?
C’est top !
Le souci de ne pas appréhender la participation citoyenne comme une fin en soi mais de d’abord répondre à la question du “pourquoi consulter” avant de passer à “comment consulter” ?
Pour la prochaine fois
Précisément, passer du “pourquoi ?” au “comment ?” afin de donner des réponses opérationnelles à ces débats (de notre côté, nous avons quelques idées 🙂
Participation citoyenne : quel(s) dispositif(s) pour quel(s) usage(s) ?
L’atelier animé par Typhanie Scognamiglio et Arnaud De Champsavin avait pour objectif de former les participants aux différents dispositifs participatifs et d’en déterminer leurs usages. Les animateurs ont fait le choix de débuter cette formation non pas sur les formes que peuvent prendre les différents dispositifs, mais sur la construction de l’étape de cadrage du projet, essentielle à toute démarche participative. En effet, il a été rappelé l’importance du travail engagé en amont de la mise en place d’un dispositif participatif. En prenant l’image des briques qu’il suffirait de superposer pour arriver à bâtir son dispositif. Ces différentes « briques » proposées par les animateurs représentaient les engagements et conditions nécessaires à la réalisation d’un projet participatif :
Transparence des engagements,
Communication et animation pour parvenir à toucher les cibles,
Restitution transparente des résultats et droit de suite,
Neutralité dans l’exercice de la synthèse,
Capitalisation des résultats pour une réelle prise en compte des participations.
Cette vision de la participation citoyenne, à la fois ambitieuse et réaliste, est en adéquation avec celle que nous tentons de diffuser chez Cap Collectif depuis notre création. La DITP a ainsi pu s’appuyer sur de nombreux exemples de plateformes Capco pour réaliser sa démonstration.
La seconde partie de ce « campus » a permis de donner un large panorama de la participation citoyenne en ligne en termes de dispositifs. En s’appuyant sur une cartographie regroupant les civic tech et leurs spécificités (proposée par le think thank Décider Ensemble), et en exposant les caractéristiques des dispositifs de participation en présentiel.
C’est top !
Mettre l’accent sur la phase de cadrage essentielle à chaque projet participatif
Pour l’année prochaine ?
Discuter de la pertinence de ce concept de “petites consultations” : on peut parler de communauté réduite mais en aucun cas cela ne signifie des consultations “faciles” sans cadrage, analyse, ni restitution.
Partage d’expériences sur l’innovation participative
Roxane de Saint-Denis, coordinatrice projets et innovation de la Caf de Paris, était à l’origine de cette rencontre entre “praticiens de l’innovation participative” qu’elle animait. Elle était bien entourée puisqu’une bonne vingtaine de participants étaient présents pour apporter leurs retours sur leurs propres expérimentations en la matière !
Le format proposé pour cet exercice était raccord avec le thème, puisqu’il était participatif. Répartis en petits groupes de 5-6 personnes, nous avons notamment joué au jeu “INNO” : sur le modèle du fameux Uno, on avait des cartes à tirer et à poser sur celles du joueur précédent, autant de prétextes pour raconter chacun à son tour une expérience d’innovation participative (carte “Quick Win”, carte “Succès”, carte “Frein”… sans oublier les cartes “Changement de sens” et “Passe ton tour”).
Chaque sous-groupe a ensuite sélectionné 2 idées / retours d’expérience issus de ce temps d’échange pour les partager avec l’ensemble de la salle. Entre autres initiatives, on a donc entendu parler de Labs et de tiers lieux (CNAF / CNAM), de co-design d’un accueil de Caf avec les usagers (Caf de Paris), de plateformes d’idéation (CPAM des Yvelines), de Trophées de l’innovation annuels (Gendarmerie nationale), de challenge d’innovation interne ou “Innovathon” (Caf de Paris)…
C’est top !
Voir qu’il y a autant d’initiatives participatives dans les administrations / entreprises à mission de service public, car au-delà de l’innovation, c’est bien la composante participative qui était mise en avant lors de cette rencontre : l’acculturation est donc bien en cours vers de nouvelles manières de faire !
Non seulement ça essaime, mais ceux qui le font le font bien : tous les participants s’accordaient à dire que la crédibilité des démarches concernées se joue dans la qualité de la restitution faite aux participants (on retrouve donc le fameux “droit de suite”), et en l’occurrence dans les processus mis en place par la Gendarmerie ou la CPAM des Yvelines par exemple les réponses aux idées proposées, l’explication des arbitrages et le suivi des réalisations sont bien prévues et mises en oeuvre !
Pour l’année prochaine ?
On aimerait voir plus d’ouverture de ces processus d’innovation participative, qui sont le plus souvent internes aux organisations ou en sens inverse qui ciblent explicitement les usagers : encore trop rares sont les processus qui incluent réellement à la fois les usagers et les agents / collaborateurs pour les faire travailler ensemble sur un même sujet.
Création d’une communauté de citoyens
C’est en promettant aux participants un programme chargé que l’équipe de la DITP (Céline Pelletier, Typhanie Scognamiglio et Arnaud De Champsavin) a introduit la première édition des ateliers du nouveau centre de la participation citoyenne. Leur objectif ? Co-désigner l’offre de services du centre avec les citoyens.
Deux thématiques ont ainsi occupé les deux heures de l’atelier :
Droit et devoir de suite (Qu’est-ce qu’un droit de suite raté ? Qu’est-ce que le droit de suite ? Quand et comment communiquer sur les suites d’une concertation ? Quelles modalités de droit de suite à court, moyen et long terme ?)
Construire une communauté de citoyens (Pourquoi créer une communauté de citoyens ? À quoi servirait la communauté ? Quel serait mon rôle dans la communauté ? Quelles seraient les missions de la communauté ? À quelles conditions / sous quelles modalités la communauté devrait-elle exister ?)
Répartis en deux groupes, les participants avaient 5 minutes pour réfléchir à une série de questions par thématique, en discuter au sein de leur groupe pendant une vingtaine de minutes puis les restituer à l’ensemble de l’atelier pour discussions. Comme promis, les échanges étaient abondants et les citoyens très intéressés par les deux thématiques, bien que le temps ait manqué pour aborder davantage la communauté de citoyens. Preuve de cet intérêt, les participants ont manifesté leur volonté d’être recontactés et informés des suites de l’atelier, lors de la “méteo des humeurs” conclusive.
C’est top !
Intégrer les citoyens au process de conception de l’offre du centre,
Aborder la question du droit de suite et voir que l’ensemble des demandes des citoyens fait partie des recommandations d’une bonne consultation ;
Voir des citoyens volontaires et enjoués se déplacer un vendredi après-midi pluvieux de novembre pour parler participation.
Pour l’année prochaine ?
Prévoir les ateliers dédiés aux citoyens davantage en soirée (ou en week-end ?) : malgré l’intérêt des participants présents et l’importance des thématiques discutées, l’atelier, organisé le vendredi après-midi, n’a réuni que 7 participants…
Dédier un atelier à part pour la construction de la communauté de citoyens, sujet un peu délaissé faute de temps, et qui aurait mérité plus de réflexion chez les participants présents
Oser l’évaluation participative
Mathias BEJEAN, professeur associé à l’UPEC, membre de la Chaire d’Innovation Publique, a présenté les grands enjeux de l’évaluation à travers une approche historique appuyée sur les travaux de grands auteurs.
Iris de la 27ème région a ensuite présenté quelques d’usages, notamment ceux de la Ville de Nantes, en insistant sur la différence entre l’évaluation avec les citoyens, par les citoyens, pour les citoyens et en présentant les différentes modalités d’association des citoyens :
participer à l’élaboration du “protocole” d’évaluation (notamment les questions qu’on se pose, ce qu’on cherche à savoir précisément),
participer à la collecte des données/résultats sur la situation, par exemple via une enquête,
participer à l’élaboration de recommandations pour améliorer le dispositif.
Interrogés par nos soins, les intervenants ont confirmé qu’à leur connaissance il n’avait jamais été tenté de réelle évaluation en ligne à grande échelle, méthodologiquement rigoureuse. Un prochain défi pour Capco…
C’est top !
des bases méthodologiques pour y voir clair sur un sujet souvent évoqué mais qui manque de repères et de cas pratiques,
l’ouverture des participants à l’idée d’une expérimentation à grande échelle d’une évaluation.
Pour une prochaine fois ?
une comparaison qui ne va pas de soi entre une démarche d’évaluation sans participation et avec participation : qu’est-ce qui change dans les finalités comme dans les modalités de réaliser une évaluation en “chambre” ou ouverte ?
Conclusion
La participation est aujourd’hui considérée à part entière comme une démarche de transformation et d’innovation, avec à la fois des démarches d’envergure avec un portage politique très fort (GDN) et une myriade d’initiatives plus locales, qui s’ancrent dans les pratiques quotidiennes. C’est une véritable satisfaction de voir les acteurs publics s’emparer de ce sujet et de vouloir faire plus et mieux.
Un grand regret toutefois : l’absence totale de référence à l’opengov, une doctrine qui semble désormais totalement dépassée alors que de notre point de vue elle n’a jamais été autant d’actualité. Au-delà de la doctrine, c’est le plan opengov pour la France qui paraît un lointain souvenir. Cela n’empêche toutefois pas les initiatives d’éclore et s’amplifier. Mais de notre point de vue, on perd en cohérence et en capacité de tous (acteurs privés et publics) à agir dans un sens commun. L’innovation publique, préférée à l’opengov, est un concept plus englobant certes mais plus flou !
L’opengov a pour sujet premier l’élaboration des politiques publiques avec un objectif assumé de renouer avec l’efficacité. Cela reste de notre côté notre objectif premier, et après tout, peu importe la manière si on y arrive. Mais si l’on n’en fait pas un objectif, alors innovation ou pas innovation, disruption ou pas, digitalisation ou pas, co-toutcequetuveux, il y a peu de chances qu’on parvienne à l’atteindre.
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