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Le budget participatif à la conquête des départements


une loupe sur une carte de france

Les budgets participatifs tels qu’on les observe depuis 2014 sont un franc succès. Le dispositif commence à s’institutionnaliser, et ses étapes et modalités sont assez largement maîtrisées et reproduites par les collectivités qui se lancent dans le dispositif. Ainsi, on compte aujourd’hui plus de 150 budgets participatifs de collectivités territoriales en France. Depuis peu, les budgets participatifs émergent dans d’autres sphères (universités et écoles, entreprises) et à de nouvelles échelles territoriales (départements et régions).


Le cas des budgets participatifs départementaux, notamment, nous semble particulièrement intéressant, à l’heure où nous accueillons parmi nos collectivités territoriales clientes les départements de la Charente, de la Gironde, du Tarn, de la Meuse ou encore des Deux-Sèvres, pour la réalisation de leur premier budget participatif.

Les budgets participatifs en ligne à l’échelle départementale sont sensiblement différents des municipalités. Si le terme de “budget participatif” reste le même, les particularités de l’échelle départementale ouvrent de nouveaux questionnements.


“Vous proposez, nous réalisons” : une promesse simple


Le succès des BP ne doit rien au hasard mais à la combinaison (réussie) d’un certain nombre de facteurs clés de succès.

Les principaux sont à notre sens les suivants :

  1. Les résultats sont concrets et quasi immédiats : les projets ayant obtenu le plus de votes sont réalisés majoritairement dans les mois qui suivent le vote ;

  2. La participation est simple : au moment du dépôt, c’est “juste” une idée qui est demandée au citoyen, et non pas un projet déjà construit ; puis un vote lors de l’étape finale.

  3. L’exercice est normé et sécurisé : structuré en étapes prédéfinies, et mis en oeuvre dans divers endroits, l’exercice est rassurant pour l’administration qui le met en place et les élus qui le portent ;

  4. C’est un exercice de pédagogie budgétaire, qui ouvre la décision des orientations budgétaires à tous de manière pédagogique (fonctionnement des administrations, répartition des types de budgets, contraintes diverses, etc.) ;

  5. Le budget participatif incite les administrations à la conduite du changement en interne, via la mise en lien des administrations avec des citoyens et/ou des services entre eux en transversalité (lors d’un projet qui toucherait à plusieurs thématiques par exemple), ce qui, à moyen terme, favorise un changement des pratiques bénéfiques.

Le budget participatif nous semble respecter les principes-clés d’un exercice participatif réussi, à savoir la facilité de participation pour les utilisateurs, mais aussi un lien direct avec le résultat : les projets les plus votés seront réalisés. En clair : “vous proposez, nous réalisons”.


À l’échelon départemental, les cartes sont rebattues


Néanmoins, les récentes expériences de budgets participatifs départementaux tendent à remettre en question ce principe de simplicité du budget participatif : il existe désormais un intermédiaire entre “vous proposez “ et “nous réalisons”, dans la mesure où les compétences départementales ne permettent pas une réalisation directe par l’organisateur du budget participatif. Les départements financent les projets d’investissement, mais ne les réalisent pas, dans la majorité des cas. En effet, les compétences exclusives des départements relèvent principalement de dépenses de fonctionnement (solidarités, santé, économie sociale et solidaire…).

Dans le cadre d’un budget participatif citoyen traditionnel, relevant de dépenses d’investissement, il devient donc nécessaire de faire intervenir un intermédiaire entre le citoyen qui propose et le département qui finance. Le projet passe soit par une association, en charge de le porter et de le mettre en oeuvre, soit par la commune sur laquelle est localisée le projet. Dans les deux cas, le département offre un financement, sur le mode de la subvention.

Cela pose plusieurs questions : Comment s’assurer que le projet déposé par le citoyen ne sera pas “dévoyé” par l’intermédiaire en question ? Et, surtout, qui doit chercher cet intermédiaire, et s’assurer de l’accord de la collectivité concernée – le porteur de projet ou les services départementaux ?

Face à ce constat, il nous semble que la méthodologie des budgets participatifs départementaux mérite encore d’être approfondie afin de coller davantage aux principes du budget participatif tout en étant utile et efficace pour tout le monde. Et si finalement, les spécificités de l’échelon départemental amenait à la définition d’un modèle propre, moins normé que le budget participatif, et plus proche d’un exercice budgétaire participatif ?


Budget participatif VS. exercice budgétaire participatif ?


Nous identifions quatre pistes permettant de consulter les citoyens sur la mise en oeuvre d’un budget, dont le principe-clé serait la simplicité pour les participants. Deux d’entre eux restent dans les standards d’un budget participatif, tandis que les deux autres répondent à une logique un peu différente.

  1. Les départements portent eux-mêmes le conventionnement → dans cette hypothèse, ce sont les services du département qui sont chargés de s’occuper de la prise de contact avec les associations et communes concernées. Cela permet de maintenir un large dépôt de projets, sans dissuader les citoyens par la perspective d’avoir à réaliser des conventions de partenariat pour voir leur projet émerger. C’est par exemple cas du département des Landes, dont le règlement stipule que “le Département identifiera le maître d’ouvrage susceptible de porter la réalisation du projet s’il était choisi par les citoyens”.

  2. Un budget participatif portant sur des compétences exclusives du département → la maxime “vous proposez, nous réalisons” est conservée. Ce type d’exercice implique de thématiser les projets recevables, afin que les dépenses engendrées correspondent aux compétences propres du département. Les compétences exclusives des départements reposant principalement autour de dépenses de fonctionnement (santé, solidarités, ou encore ESS par exemple), cette option implique, dans de nombreux cas, d’ouvrir la possibilité aux projets de relever de dépenses de fonctionnement – budget dont on sait qu’il est plus difficile à débloquer. C’est le cas du Pas-de-Calais notamment, autour de l’économie sociale et solidaire.

  3. Un appel à projets citoyen → dans cet exercice, les associations proposent leurs projets sur le mode d’un appel à projets classique, mais ce sont les citoyens qui départagent les projets via le vote, et choisissent lesquels seront financés par la collectivité. C’est le cas de la Région Occitanie, qui réalise des appels à projets citoyens autour de divers sujets (climat, montagnes, ou encore ouverture de l’Occitanie sur le monde).

  4. Une consultation sur les orientations budgétaires → assez éloigné d’un dépôt de projets dont les plus votés seront réalisés, il s’agit ici de consulter les citoyens sur les grandes orientations à prendre pour le budget. Cette consultation est organisée autour des grandes thématiques d’action du département (modernisation de l’administration, accès à l’emploi, offres de soin, aide aux aînés et personnes handicapées, initiatives locales, etc.), et de propositions initiales du Conseil départemental. Les citoyens sont invités à se positionner sur ces propositions via le vote et déposer des arguments pour ou contre ; ainsi que de nouvelles propositions.

C’est le cas de la Corrèze, qui nomme ainsi “budget participatif” la co-construction des orientations budgétaires pour l’année à venir.

le vote par classement

Adapter le budget participatif pour le faire exister dans des contextes différents


Au fond, la question de vocabulaire importe peu. La contrainte de l’échelon départemental, qui réside dans l’impossibilité de faire un copier-coller des budgets participatifs municipaux, est surtout l’occasion de se questionner sur les principes du budget participatif et sur les objectifs politiques, divers, auquel ce type d’exercice peut répondre :

  • L’objectif est-il d’enclencher une démarche participative plus large sur le territoire, et ainsi se mettre le pied à l’étrier à travers un premier exercice participatif relativement simple et maîtrisé ?

  • L’objectif est-il de faire émerger des projets innovants, différents de ce que les services ou le tissu économique et associatif du département peuvent produire ?

  • L’objectif est-il de répondre au plus près aux besoins des habitants ?

  • L’objectif réside-t-il dans le fait de donner aux citoyens un droit de contrôle et d’influence sur les choix budgétaires des élus ?

  • Ou bien souhaite-t-on renforcer les moyens autour d’une politique publique en particulier, déterminée préalablement (isolement, ruralité, jeunesse, transition énergétique, solidarités…).

Si la facilité de participation du point de vue des citoyens est un des facteurs du succès des budgets participatifs jusqu’ici, le piège pour les départements serait à l’inverse de tomber dans la facilité, en calquant un processus difficilement reproductible tel quel. Il n’existe pas de bons ou de mauvais budgets participatifs, comme il n’y a pas d’emblée de bons ou de mauvais dispositifs participatifs. Il ne s’agit donc pas de sanctuariser un modèle, mais de le faire exister dans des contextes différents, en adaptant ses contours à chaque situation, chaque échelle, et avant tout aux objectifs recherchés.


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